13 Reasons Why, c’est la première série sur laquelle j’ai fait un article ici. La première saison avait été un vrai coup de cœur. Alors quand ils avaient annoncé une seconde saison, j’étais enchantée. Malgré tout, j’avais des doutes : l’histoire d’Hannah et de ses camarades avait été pensée pour une saison (adapté d’un livre). Dans la saison 1, chaque face d’une cassette correspond à un épisode et un événement marquant qui a mené au suicide d’Hannah. Une fois le contenu de toutes les cassettes dévoilé, comment continuer? Évidemment, il reste pleins de choses à traiter, des interrogations en suspens, des conséquences. Mais est-ce que ça sera suffisant ? Est-ce que la série sera aussi attachante, émouvante, sans la voix de Hannah sur cassette pour accompagner les flashbacks ? Verdict.
[Pour la suite de l’article, je parle des événements de la saison 1 de 13 reasons why, donc si vous ne l’avez pas encore vue, ne lisez pas ! J’essaie de ne pas révéler d’événements sur la saison 2, malgré tout je parle de ce qu’ils m’évoquent, donc à vos risques et périls.]
Quand y en a plus, y en a encore :
Un des grands thèmes de la seconde saison est que chaque histoire a plusieurs facettes (et pas que deux comme les cassettes). Hannah a raconté la sienne. Elle a décidé ce qu’elle voulait dire, mais aussi ce qu’elle préférait taire. Malgré des faits réels, le récit est forcément subjectif. Durant cette deuxième saison, on assiste au procès de l’école Liberty High, attaquée par les parents d’Hannah. Et durant ce procès, d’autres versions de l’histoire vont être racontées. Des mensonges parfois, jouant encore le jeu des rumeurs et des réputations, mais aussi des événements dont nous n’avions pas connaissance. Difficile de savoir ce qui est vrai ou non. Le récit d’Hannah est éclairé sous de nouveaux jours. Et qui dit nouveaux jours, dit aussi nouvelles zones d’ombre.
En tout cas, il fallait bien imaginer des révélations pour maintenir l’histoire. Et même si c’est plutôt bien fait dans l’ensemble, on sent parfois un peu le côté “rajouté”. Mais à vrai dire, ça me semble difficile d’éviter ça.
50 Nuances de Hannah :
Dans la saison 1, Hannah était posée en victime (ce qu’elle est). On découvrait son histoire, on ressentait ses émotions, on se mettait à sa place, on découvrait la peine de ses proches et amis après sa disparition. Elle était en quelque sorte cristallisée dans cette image idéalisée.
Dans la seconde saison, le portrait est beaucoup plus éclaté. Le procès oppose les soutiens de la jeune femme à ses détracteurs. Ces derniers ont tout interêt à la dépeindre comme une fille facile, avec des secrets, afin de rejeter leur culpabilité. Mais même ses proches et amis, parfois, doivent reconnaître malgré eux certaines vérités omises par Hannah dans ses cassettes, des événements pas très avouables. Rien qui ne change le sort tragique de la jeune fille, mais assez pour jeter le doute.
Ce clair obscur a plusieurs intérêts : il rend le personnage d’Hannah plus humain. Ce n’est pas qu’une martyr, qu’un drame de plus. C’est une adolescente, avec ses qualités, ses défauts, ses espoirs, ses erreurs. Ce qui n’enlève en rien ce qu’elle a subit.
Ça permet aussi de très bien démontrer le “slut shaming” que subissent si souvent les victimes d’agressions ou de viol. La technique de la défense, durant tout le procès, est d’attaquer le caractère d’Hannah. Montrer que peut-être, son comportement a provoqué certains garçons. Peut-être aimait-elle qu’on la regarde, qu’on la désire ? Peut-être ses accusations de harcèlement et de viol ne sont qu’une façon de se venger de garçons qui l’ont blessée ou éconduite ? Peut-être cherchait-elle de l’attention.
Comme répond Tyler dans le premier épisode : “pas ce genre d’attention”. Bien sûr, une jeune fille, une femme peut vouloir être désirée, apprécier qu’on la regarde. Ça ne veut pas dire qu’elle est ok pour qu’on lui fasse des réflexions déplacées, qu’on diffuse des photos d’elle sans son accord, qu’on l’a touche sans son consentement, ou pire.
Les Reasons de la colère.
Une des grosses attentes de la saison 2 de 13 reasons why, c’était de découvrir si Bryce allait devoir répondre de ses crimes. Et une des grosses frustrations pour de nombreux personnages et pour nous, c’est de suivre ce procès qui accuse l’école, à défaut de pouvoir directement attaquer Bryce. Malgré sa “confession” enregistrée par Clay en fin de saison 1, malgré le récit d’Hannah sur cassette. Bryce polarise les sentiments : il y a ceux qui sont convaincus de sa culpabilité et vont tout faire pour la prouver, et ceux qui sont convaincu de son innocence et ne voient que des rumeurs dans les accusations. Et entre les deux, il y a Chloé, la petite amie de Bryce, qui vacille entre les deux camps…
Même si son personnage est un peu plus effacé que durant la saison 1, Clay reste pour moi une des réussite de la série. Et j’ai adoré ressentir le cocktail d’émotions qu’il traverse. La plus intéressante est sans doute la colère, inavouable, douloureuse. Les reproches qu’il voudrait faire à Hannah, les questions qu’il voudrait lui poser, mais pour lesquelles il n’aura jamais de réponse. Un peu comme dans Virgin Suicide, mais cette fois, l’héroïne à perdu de son aura intouchable. La culpabilité et la peine de la saison 1 laissent place à des sentiments beaucoup moins évidents et immédiats. Clay n’est plus seulement l’amoureux timide et transis qui n’a pas réussi à “sauver” celle qu’il aime. Il est en colère après tout le monde. Il remet tout en cause. Il essaie de nier, d’oublier aussi.
Le retour de la chanson “Take me back to the night we met” a fait pleurer mon coeur de guimauve.
Un autre personnage qui ressent de la colère, c’est Tyler.
[Si vous n’avez pas vu la saison 2, c’est le moment d’arrêter de lire]
Durant son témoignage lors du procès, l’adolescent a reconnu ses erreurs, cherché à rétablir la vérité, pour Hannah. Mais ça ne suffit pas, les choses ne changent pas à Liberty High. Le jeune garçon va donc doucement nourrir sa rancœur, sa frustration face à des injustices quotidiennes. Chercher par quels moyens résister contre les “tyrans” du bahut, avec son nouvel ami, Cyrus. Découvrir la culture punk, anarchiste, qui va entrer en résonnance avec son besoin de tout envoyer valser.
L’évolution de Tyler durant la saison 2 est à la fois une des plus grosses ficelles utilisées (on voit très vite où tout ça nous mène, la scène finale est “annoncée” très tôt dans la saison) mais aussi l’un des arcs les plus émouvants. Impossible de rester insensible face à ce qu’il traverse. La scène la plus choquante de la saison le concerne d’ailleurs, créant au passage un véritable tumulte. Certains l’auront jugée trop crue, gratuite, d’autres au contraire, nécessaire. Mais elle n’aura laissé personne indifférent.
13 reasons why not
Les personnages ont souvent du mal à trouver le courage pour dépasser certaines difficultés, assumer certains actes, tenir tête à leurs bourreaux, oser parler. Ce qui est assez révélateur, c’est de voir que souvent, les personnages ne trouvent pas le courage d’agir pour eux même, mais pour quelqu’un d’autre. Aider autrui est ce qui permet d’avancer, de dépasser ses propres difficultés. Justin et Alex pour Jessica, Tyler et Courtney pour Hannah, Clay pour Justin, Jessica pour d’autres filles, etc etc.
La série semblera sans doute un peu moralisatrice ou naïve pour certains sur ce point. Personnellement je trouve que c’est important de faire passer le message qu’il y a toujours de l’espoir, qu’on n’est pas seul. Qu’on peut casser un cercle vicieux. Qu’il y a toujours une autre solution. La liste des “13 reasons why not” est une vraie bouffée d’oxygène, une caresse qui fend le cœur.
Je finirais juste par une citation que je trouve particulièrement frappante et qui à mes yeux correspond bien à cette série. “Le suicide n’arrête pas la souffrance. Il ne fait que la transmettre à quelqu’un d’autre.”