Je viens d’attaquer la série Dirk Gently, détective holistique. Et une fois passée la surprise de ce joyeux bazar sans queue ni tête (de prime abord tout du moins), je me suis fait la réflexion que l’absurde dans les séries et films peut être un ressort scénaristique surprenant. Et qui marche presque toujours sur moi ! J’ai donc voulu faire un petit tour d’horizon des bizarreries dans la fiction, et ce que l’absurde m’évoque.
L’absurde au service du mystère.
C’est sans doute l’utilisation qui sert le plus le scenario. Si l’absurde sert souvent à créer une ambiance, il peut aussi s’exercer comme un incroyable élément de suspens et d’intrigue. Ce n’est alors pas simplement aléatoire ou loufoque. Il nous manque une pièce du puzzle pour comprendre. Le personnage, comme le spectateur, n’a pas tous les éléments pour saisir, mais il sait qu’il y a sans doute une explication, aussi impossible que cela semble et il VEUT la connaître. C’est par exemple le cas de l’ours polaire de Lost, mystérieux animal retrouvé en pleine jungle tropical. Que fait-il ici ?
Dans Dirk Gently, le personnage est un détective, et bien que sa manière d’enquêter soit pour le moins peu conventionnelle, il est face à des énigmes à résoudre. Mais toute la saveur vient que ces mystères sont aussi absurdes que terribles. Et pourquoi tout le monde cherche le chaton présent sur la scène de crime (oui, ça a souvent un lien avec les animaux dans ce paragraphe…) ?
L’absurde comme ressort humoristique.
L’absurde peut également servir dans la comédie. Tout un effet comique peut être batti autour d’un postulat complètement loufoque. C’est par exemple le cas dans Wilfred. Dans cette série, là où tout le monde voit un simple chien, le personnage principal voit un homme déguisé en canidé, qui lui parle et l’incite aux pires actions. On peut également penser à Malcolm, spécialiste de l’absurde de situation, ou au Sacré Graal ! des Monty Pythons, dans lequel le roi Arthur fait semblant de chevaucher son cheval tandis que son serviteur le suit en faisant claquer des noix de coco, et où les chevaliers sont attaqués par un lapin carnivore.
L’absurde pour un univers poétique.
Dans ce cas, l’absurde donne des airs de conte à la réalité. L’absurde devient possible, les détails improbables truculents. Le banale quotidien devient tout à coup plus intéressant et coloré. Le spectateur accepte que ce qu’on lui présente soit possible.
C’est par exemple le cas dans l’univers de Wes Andersen, ou dans une de mes séries favorites, Pushing Daisies. Le postulat de base est déjà assez étonnant : un pâtissier a le pouvoir de ramener les morts à la vie, mais seulement pour une minute sinon quelqu’un doit mourir a la place. Il se sert de son pouvoir pour résoudre des enquêtes avec un détective privé, jusqu’au jour à son amour d’enfance est la victime à réveiller… Passée son pouvoir, la série pourrait être classique, comme d’autres fictions de super-héros ou univers infusés de magie. Mais c’est la bizarrerie de chaque personnage et chaque situation qui rend cette série unique. Les tantes sont deux “sirènes” anciennes stars de natation synchronisée, aujourd’hui recluses pleines d’appréhension. Le détective est un cynique, mais il aime faire du tricot et fabriquer des livres pop-up sur son temps libre.
Dans Big Fish, l’absurde est carrément assumé comme ce qui oppose les personnages. Le père raconte ses souvenirs, ses histoires de jeunesse, toutes plus romanesques et impossibles les unes que les autres. Le fils n’en croit pas un mot, et fatigué des sornettes de son père, va chercher à découvrir la vérité.
Ce que j’aime dans l’absurde poétique, c’est qu’il a quelque chose de très enfantin. Il me donne souvent cette impression d’avoir mis un filtre sur la caméra, pour nous faire nous émerveiller de ce que nos yeux d’adultes ne voient plus. Tout est coloré, tout est démesuré, et on se prend à se raconter des histoires rocambolesques. Et contrairement aux deux autres types d’absurde, celui ci est souvent moins un absurde d’action et de faits. Il est souvent d’ailleurs très visuel.
Qu’il attise le suspens, fasse rire ou inspire la poésie, l’absurde dépasse toujours l’entendement humain. L’absurde, c’est dieu. Ce je ne sais quoi qui nous échappe. Et ces œuvres ont toujours en commun une envie de nous faire échapper à la réalité, pour en découvrir une autre, altérée. Les règles sont différentes, et tout l’enjeu sera de les comprendre pour survivre, ou de les accepter pour s’émerveiller.
Et vous, y a-t-il une scène absurde qui vous a particulièrement marquée ?